Il est attendrissant, ce personnage à l’âme de détective dont la tâche, au service des envois non traitables de la poste, consiste à décrypter les adresses incomplètes ou illisibles: son esprit créatif y puise de grandes bouffées d’oxygène. Cette histoire fait apparaître en effet le problème d’un homme dont la vie est minutieusement réglée par cette recommandation mille fois répétée naguère par sa tante Agathe: «Toujours commencer par le côté de la raison». Ainsi son appartement, héritage de sa tante, est-il un lieu sacré où règne l’esprit de celle-ci dans les moindres détails de goût et d’organisation. Il cherche sans cesse à retrouver dans sa mémoire les paroles de cette tante adorée pour guider sa conduite, et lorsqu’il se déplace, il invite cet ange gardien à le suivre. Comme il importe aussi pour lui de contrôler son image, il apporte un soin particulier au choix et à la coupe de ses vêtements…
Un jour pourtant, une faille apparaît dans cette existence rigoureusement mesurée: notre personnage trouve dans la rue un petit oiseau tricoté. Il l’emporte chez lui, et bientôt sa curiosité le conduit à tirer sur un fil. Une maille se défait, puis une autre, et en même temps qu’il voit l’objet se décomposer sous ses yeux, il sent au fond de lui un déclic qui l’amène à penser que la vie n’est peut-être pas aussi rigide qu’il l’a vécue et souhaitée jusque-là.